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OURAGANS
Ouragan

Ouragan

Sans jamais toutefois s'y habituer
Depuis toujours on les connaissait.
Elles arrivaient, brutales avec
Les brumes automnales,
Des froides étendues nordiques,
Porteuses, pour les oreilles romantiques,
Dans leurs respirations géantes
D'échos de mélopées et autres gigues magiques.
Elles venaient gonflées d'orgueil
Du fin fond de l'océan glacé
Poussant devant elles, indomptées
Des vagues hurlantes
Venant se fracasser sur les abrupts granitiques,
Elles galopaient, échevelées, conquérantes
Porteuses de symphonies marines
S'apaisant soudain, souffle court
jusqu'àu silence, profond,
Répit inquiétant,
Reprenant aussitôt leur quête hauturière
Beauté sauvage magnifique
Revenant en leurs assauts démoniaques,
Reprendre possession avec force
Des plages et dunes remodelées.
D'une main titanesque
Elles faisaient ployer à leur volonté
La nature, brisant, par mégarde sans doute,
La flèche finement dentelée d'une chapelle antique
Et par inadvertance,
Non conscientes de leur puissance
Elles entraînaient dans une chute mortelle
Fragiles futaies et âmes perdues de quelques marins.
On les connaissait et on les respectait
Ces tempêtes familières
Qui pour se faire pardonner
Calmaient leurs ardeurs
Rendant au ciel sa limpide sérénité
En un bleu à nul autre pareil.

Lui, c'est certain, était étranger,
N'était point d'ici,
Lui qui de Douarnenez au Mont,
Balayant tout sur son passage,
N'a laissé que ravages et désolations.
Toute la journée durant,
Il avait poussé devant lui
De lourdes odeurs mauresques
Venues de la chaude Ibérique,
Son souffle, par à-coups, avait gonflé,
Faisant au couchant
Se taire les derniers oiseaux de l'automne
Qui en nuées noires ondoyantes plongeaient
Comme fous, apeurés
Au-dessus des remparts malouins
Pressentant instinctivement
Le grand désordre à venir.
Les nuages, de sang, étaient mêlés
Qui roulaient au-dessus de la mer écrasée
Les prémisses d'un carnage barbare.

Puis la nuit était venue,
Brutalement, elle aussi.
Après une dernière accalmie,
La mer s'était soudain creusée,
Fouaillées par une main invisible,
Les vagues s'étaient formées,
Chocs contre chocs
Sommets d'eau retombant avec fracas,
Poussés par une respiration sans répit
Allant crescendo, monstrueux coups de boutoirs.
La nature traumatisée, choquée, s'était recroquevillée
Consciente de la charge infernale à subir,
De ce vent mauvais
Dont la colère allait toujours grandissante
Chargée de volonté destructrice.
Le séisme allait être à la mesure
De sa démesure, de ses débordements de vandale.
Pendant des heures, sa voix de stentor
Avait hurlé des imprécations de mort
Se mêlant au bruit infernal
De ses coups se faisant assassins,
Dévastateurs,
Jetant pêle-mêle, sur les quais
Les mâtures et coques décharnées des bateaux
En des amas déments,
Brisant net, tels des crayons inutiles,
Par dizaines, dans un bruit de membres cassés,
Le fût élancé des arbres n'en pouvant plus de ployer,
Mettant à jour les racines centenaires
Des grands chênes dont les cimes,
Hier encore, tutoyaient le ciel,
Flagellant les forêts refuges, meurtrissant les flèches,
Emportant toitures et structures.

Il était sûrement d'ailleurs,
Etranger, c'est certain
Pour ne point respecter
Ce vent jaune
Ce vent fauve
Ce que les ans,
Ce que les hommes d'ici
Avaient si patiemment bâti.
Dans sa folie meurtrière
Rien ni personne n'avait pu l'arrêter
Et l'aube espérée s'était enfin levée
Sur une vision d'apocalypse.
La nature violée, décimée
Aux regards des hommes, à un soleil réapparu,
Comme fauchée par une lame géante
S'était découverte impuissante,
Offrant ses plaies béantes.
Disparus avec les troncs vaincus
Les témoignages inscrits dans leur chair
Des amours éternels.
Bouleversés, écrasés ces grands arbres
Ayant connu le dos courbé
Des anciens fagottant les brindilles
Ou serrant les précieux bolets,
Ayant connu l'aile de la douce tourterelle
Et le pigeon roucouleur
Et les hommes guerroyants
Et les coupe goussets
Et la magie d'un jupon tendrement enlevé.
Décapités, par milliers, ils étaient,
Erections piteusement dressées,
Sans promesse de nouvelles frondaisons,
De nouvelles nichées.
Le vent, après une dernière poussée
S'était éclipsé, honteux
Et pendant des journées entières,
Exténué sans doute par tant d'excès,
S'était envolé vers d'autres contrées.
Peu à peu le calme était revenu
Mais non la sérénité.
Il a été long le temps
Avant que les oiseaux
Disparus on ne sait où
Par leurs chants redonnent couleurs
Aux sous-bois survivants.
La forêt mortifiée, blessée
Reprenait vie,
Force et beauté.
Ce n'était plus déjà
Une nature morte.

Gérard GAUTIER
Nuit du 15 au 16 octobre 1987.



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